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John Horne: Expérimenter et narrer la bataille: Verdun et la Somme, 1916

John Horne

Expérimenter et narrer la bataille: Verdun et la Somme, 1916

Ma question est la suivante: comment la Grande Guerre – et en particulier  les hyper batailles de Verdun et la Somme – ont-elles été racontées ? Mon thème est la narration des batailles pendant et suivant leur déroulement, à l’intérieur même de la guerre et en tant qu’un élément de sa temporalité – le récit du présent et du passé proche. Il s’agit de comprendre le rapport entre la narration et l’expérience – surtout celle des combattants, mais celle aussi des civils qui suivaient à partir de l’arrière ou de l’étranger le sort de leur proches engouffrés dans le conflit.

Tout d’abord, il faudrait nous arrêter un instant sur le statut du récit-bataille. Celui-ci compte parmi les narrations fondatrices des sociétés. Enraciné dans les légendes divines, il assume un visage humain afin de définir l’héroïsme, décliner la masculinité et fournir tribus, empires et pays de mythes fondateurs. Faut-il rappeler que l’épopée écrite la plus vieille du monde occidental raconte la dernière partie d’un siège long de dix ans ? L’épopée religieuse indienne, le Bhagavad Gita, se passe, elle aussi, sur un champ de bataille où l’héroïsme s’avère la vertu cardinale. Un des rôles du récit-bataille est sans doute de raconter l’histoire d’un groupe humain, de lui montrer comment il doit affronter son destin. C’est le « mythe de la guerre » – au sens d’une vérité simplificatrice.

Au XIXe siècle, pourtant, des écrivains tels que Tolstoï dans Guerre et Paix et Stephen Crane dans L’Insigne rouge de courage ajoutent une nouvelle perspective – l’individu face au chaos de la bataille[i]. Les guerres révolutionnaires et napoléoniennes, les conflits d’unification nationale et la guerre de sécession américaine font naître le récit du soldat en tant qu’acteur et témoin de la guerre – celui, pour citer Samuel Hynes dans son livre The Soldier’s Tale, « qui avait été présent. »[ii]. Le « récit du soldat » est publié et donc public en tant que genre. Mais quelle que soit la forme prise – carnet, mémoire ou fiction – son sujet est l’individu. Il s’agit de la narration d’une personne qui traverse la guerre (parfois en petit groupe) et qui survit (ou qui succombe) à la bataille. Quelque chose d’analogue se produit dans la peinture de bataille, qui prend comme sujet au 19e siècle le groupe ou l’individu, bien mis en évidence par rapport aux panoramas militaires qui caractérisaient le genre à l’époque antérieure. Lady Elizabeth Butler ou Alphonse de Neuville n’abandonnèrent en rien l’héroïque. Mais ils le reformulèrent en termes d’individus ordinaires qui se surpassèrent en des actions célèbres. Les dernières cartouches de Neuville, tableau qui raconte un épisode de la guerre franco-allemande, fut applaudi lors du salon de Paris en 1873. Le « récit du soldat » est aussi pictural.

Bien sûr, la narration en tant que telle – le récit relaté en groupe, à deux ou à soi-même – est un trait universel, le mécanisme organisateur du langage qui rend intelligible ce qui s’est passé, surtout quand cela relève de l’inhabituel, du choquant. Mais la capacité de le dire par l’écrit (ou l’image) ne l‘est pas. Les récits oraux et éphémères de la guerre sont de tout temps, mais ils ont laissé peu de traces dans les sources. Pour les conflits plus anciens, nous sommes privés de la voix directe du soldat ordinaire, car il est analphabète. Les narrations qui nous surviennent sont celles, écrites, des généraux et des officiers, beaucoup plus rarement, celles des soldats. Mais voilà une nouveauté radicale de la Grande Guerre. Pour la première fois de l’histoire, les sociétés qui fournissent ces « nations (ou empires) en armes » ont des taux d’alphabétisation comme les nôtres, surtout dans l’Europe de l’ouest, l’Amérique du nord et l’Australasie. Les soldats de Verdun et de la Somme savent lire et écrire. Déjà, l’émigration vers le nouveau monde au 19e siècle avait poussé des « gens communs » à correspondre avec leurs familles. Mais la Grande Guerre, premier événement de masse du XXe siècle, le fait de façon massive. Jamais on n’avait autant écrit[iii]. Par conséquent, au « récit du soldat » publié s’ajoute sous forme de lettres et de carnets everyman’s tale, le récit privé du combattant ordinaire qui dit sa guerre, sa bataille.

1916-2016 : le centenaire des batailles de Verdun et de la Somme

  1. La narration de la bataille : le défi de la Grande Guerre.

Le « mythe de la guerre » ; le « récit du soldat » ; le récit du combattant ordinaire: voilà trois façons de raconter la bataille qui avaient chacune leur place dans la narration de la Grande Guerre. Mais la guerre à son tour posait un défi pour chacune d’entre elles, pour des raisons qui vont au coeur de cette publication et que je devrais brièvement résumer.  L’imagerie disponible aux sociétés belligérantes pour façonner leurs récits de bataille était celle de l’avant-guerre, fruit surtout de la mémoire des conflits napoléoniens – c’est-à-dire, une guerre de mouvement en rase campagne dont le point culminant est la rencontre décisive (Austerlitz, Iena, Waterloo). C’est vrai que l’autre visage de la guerre – le siège – avait sa place aussi dans la mémoire militaire du XIXe siècle, ne serait-ce qu’à travers Sébastopol, où Tolstoï trouva l’inspiration pour Guerre et Paix, et les tranchées de la guerre de sécession. Mais avant 1914, le « culte de l’offensive » et la bataille décisive (renforcées par l’expérience des guerres coloniales asymétriques) fournissaient les images clés, militaires comme populaires, d’une guerre future – images répandues par la presse (y compris les magazines illustrées) et par le cinéma naissant.

Rares étaient ceux qui saisissaient l’évolution profonde selon laquelle la deuxième révolution industrielle des années 1880 (acier abondant, industrie chimique moderne, moteur à combustion interne, électricité) avait transformé les moyens non seulement de production mais aussi de destruction. Et ceci en dépit des révélations du conflit russo-japonais et des guerres balkaniques quant à l’effet des obus hautement explosifs ou des mitrailleuses, qui rendaient le combat nettement plus coûteux en vies humaines. Cette vérité n’apparut clairement qu’avec la guerre de mouvement à l’automne 1914. C’est à ce moment-là que la guerre à l’échelle de l’homme du XIXe siècle cède le pas devant la guerre à l’échelle de la machine du XXe siècle, avec les pertes les plus élevés (pour la France et l’Allemagne) du conflit. Creuser des tranchées fut une réponse rationnelle – quitte à rendre toute « percée » par l’offensive dorénavant difficile sinon impossible.

Dire que les contemporains avaient tout simplement redécouvert la guerre de siège passe, pourtant, à côté du point essentiel. Car dans un siège traditionnel, un camp se défend et l’autre l’attaque ou essaie de le réduire par la faim. Mais dans cette nouvelle guerre de siège, chaque camp se défend et attaque l’autre en même temps, créant ainsi le « front », cette grande invention de la première guerre mondiale où se règle le sort du conflit[iv]. Et par le jeu des coalitions, cette guerre insolite s’étend à l’est et au sud en faisant de l’Europe un continent mis au siège réciproque, chaque camp à la fois troyen et grec. Cependant, lever le siège par l’assaut direct s’avère chose difficile car il reproduit le déséquilibre en faveur de la défensive. D’où l’échec répété d’offensives qui tentent la « percée » et ce malgré l’emploi massif de l’artillerie lourde comme arme d’attaque et de technologies nouvelles (gaz asphyxiant, lance-flammes, chars). Aucune surprise alors (du moins avec la rétrospection historique) si l’on emploie de façon aussi proéminente qu’ambigüe des notions telles que « usure, » « attrition, » ou « Ermattungsstrategie » pour penser une guerre que l’on maîtrise à peine.[v]

A la longue, l’équilibre penche en faveur de l’offensive – mais jamais complètement avant la Blitzkrieg du conflit suivant. La « victoire » de 1918 relève autant de « l’usure » de l’ennemi sur le plan global que des tactiques alliées sur le champ de bataille[vi]. Ainsi, durant la majeure partie de la Grande Guerre, les généraux n’avaient pas de solution strictement militaire pour la domination de la défensive – aucun cheval de bois tactique ou technique pour leur guerre de Troie moderne. Par conséquent, une guerre de siège au niveau d’un continent, menée au prix de la mort de masse et souvent sans rapport apparent avec le but recherché, soumet à une rude épreuve la compréhension cognitive, linguistique et figurative de tous ceux qui y participent. Notre question de comment on relate la bataille (en l’occurrence les hyper batailles de 1916) se trouve, par conséquent, au cœur de l’expérience de la guerre. La guerre imaginée rattrape-t-elle la guerre réelle et si oui, quand, et avec quelles conséquences ? Nous allons tenter de répondre en reprenant chacune des trois types de narration évoquées.

  1. Le « mythe de la guerre. »

Qu’en est-il abord en ce qui concerne le « mythe » de la guerre – sa narration collective au niveau d’une société ? Déjà la formation du « front » en 1914 avait déconcerté la pensée militaire sans pour autant annuler la prééminence accordée à l’offensive (surtout dans le camp allié), comme en témoignent les attaques françaises coûteuses de 1915. Cependant, Verdun et la Somme sont envisagées comme des batailles d’un autre ordre, bien que leur rapport avec chacune des trois puissances concernées soit différent[vii]. Verdun pour les Allemands fut conçue en opposition à l’idée de la « percée » et comme une attaque de choc susceptible de déstabiliser l’Entente sur place, sans être imaginée au départ comme la bataille « d’usure » explicite qu’elle devint sous peu. Pour les Français, Verdun est bien sûr la défense du territoire national contre une poussée renouvelée de l’ennemi – une seconde Marne dont les Britanniques, cette fois-ci, ne seront que des spectateurs. La Somme, en revanche, fut conçue par Français et Britanniques comme 1915 en mieux, une grande offensive qui devait « percer » (selon des modalités différentes en fonction des généraux) pour terminer ainsi la guerre. Devenue une affaire surtout britannique en raison de Verdun, son échec complet par rapport au plan initial fit émerger une logique secondaire d’ « usure » – selon laquelle l’ennemi avait souffert plus que les Alliés – chose impossible à vérifier et en réalité fausse en ce qui concerne les « pertes ». Côté allemand, par contre, il s’agit d’une bataille défensive (comme Verdun pour les Français) – la Somme aux avant-postes du Rhin. Bref, une logique triangulaire qui résume bien le siège mutuel de l’Europe à l’ouest au mi-chemin de la guerre.

Les deux batailles franchirent aussi des seuils nouveaux en ce qui concerne la violence de la guerre. Par leur durée elles confondent le sens de ce que c’est qu’une bataille, tout comme par leurs résultats, mesurés à l’aune des buts affichés. L’ordre des pertes, même si on manquait des précisions là-dessus – trois quarts de million pour Verdun, un million pour la Somme – fait des deux batailles la Stalingrad de la Grande Guerre – sauf (et c’est toute la différence) le sentiment d’un tournant. En fait, Verdun et la Somme incarnent, chacune à sa manière, le prix de toute tentative de lever le siège de l’Europe à l’ouest. Mais elles se dissolvent aussi en des épisodes ponctuels qui rendent difficile à saisir pour les soldats un sens de leur totalité. Tout était dans l’échelle.

Une façon de saisir la place de Verdun et de la Somme dans le « mythe de la guerre » est de suivre leur représentation dans la presse. En raison des contraintes de cet essai, je vais me concentrer sur les cas britannique et français pour la Somme et Verdun respectivement en prenant les deux principales revues illustrée hebdomadaires, l’Illustrated London News et L’Illustration ; chacune avait sa tradition établie de narrer la bataille, tradition imprégnée des valeurs d’avant-guerre déjà évoquées.

Bien que la bataille de la Somme ne commence que le 1er juillet 1916 après une semaine de bombardements intensifs des lignes allemandes – c’est-à-dire quatre mois après Verdun – il s’agit en réalité du premier engagement de masse de l’armée britannique de la guerre. Car sans tradition de conscription, le Royaume-Uni et son empire avaient mis deux ans à se doter d’une armée de taille continentale, et ceci entièrement par volontariat (la conscription n’étant imposée qu’au courant de 1916). Ainsi, les soldats volontaires qui s’attaquèrent aux Allemands sur le front de la Somme (et la nation avec eux) étaient assez proches de l’imaginaire de la bataille et des vertus guerrières telles que la plupart des Européens les avaient comprises avant 1914. Les Français, en revanche, vivaient sous le choc à moitié avoué des batailles de 1914-15.

Sur les 22 numéros de l’Illustrated London News publiés pendant la bataille, sept affichèrent celle-ci en position privilégiée sur la couverture – tous sauf deux pendant le premier mois optimiste, avant que les espoirs mis dans l’offensive ne tournent en une logique d’usure. Trois de ces couvertures rassurent, en présentant l’offensive telle qu’elle aurait dû se dérouler, protégée par l’artillerie lourde (fruit d’un effort industriel national) qui était censée démolir les positions adverses et éviter des pertes inutiles britanniques. (Ill. 1). Une quatrième traite la catastrophe de l’attaque initiale (avec presque 60,000 « pertes » dont 20,000 morts le 1er juillet) d’une façon plus qu’anodine en montrant (mi-juillet) « Des roses pour des héros : l’accueil accordé par Londres aux soldats blessés dans l’offensive britannique » (Ill. 2). Les trois autres couvertures (deux en octobre) montrent des prisonniers allemands qui, en l’absence de tout chiffre pour les pertes ennemies ou alliées, deviennent la mesure par substitut d’un succès en termes d’usure (« ils ont perdu plus que nous »). C’est la seule image possible d’une victoire (Ill. 3).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A l’intérieur de la revue, pourtant, la bataille se présente de façon plus complexe. On s’applique à maintenir la narration de l’offensive réussie le plus longtemps possible tout en s’acharnant à faire accorder (sur un champ de bataille éclaté) des idées conventionnelles de l’héroïsme avec les réalités d’une puissance du feu allemande intacte qui entraîne des pertes qui défient toute prédiction. Cette tension narrative s’exprime en texte et en images. Philip Gibbs un des correspondants de guerre britanniques les mieux connus, et doté en plus d’un esprit assez critique, remarque à minuit le 1er juillet: « Ça a été une bonne journée pour l’Angleterre et pour la France » (un tiers des soldats participant à l’offensive étant en effet des Français) – une remarque citée en légende sous des photos de canons britanniques et de prisonniers allemands. Gibbs est trop bon journaliste pour ne pas voir qu’en réalité l’artillerie britannique n’avait pas fait le travail attendu, mais il emploie l’imagerie de l’héroïsme militaire, du courage et de l’élan, pour le compenser. En racontant l’attaque par un régiment écossais, les Gordon Highlanders, sur le village de Mametz, il écrit :

Ces hommes de combat ardents s’élancent à l’assaut avec enthousiasme jusqu’à ce qu’ils atteignent la limite de Mametz. Puis, brusquement, ils essuient un feu rapide de mitrailleuse et un véritable orage de grenades. Les Allemands ont une tranchée qu’ils appellent l’allée de Danzig […] Les Gordons se jettent sur cette position et la nettoient des ennemis avec quelque difficulté. A la fin de la journée, Mametz reste dans nos mains[viii].

Gibbs admet « qu’ il est impossible pour un témoin de voir plus qu’un coin de ces champs de bataille. » Mais des images comblent l’écart. Bien des soldats avaient leurs propres appareils de photo, des Kodak Brownies. Mais pas plus que les photographes accrédités, ils ne pouvaient capter la bataille elle-même, seulement ses marges et ses traces. D’où l’importance continue du dessinateur des batailles. Prenons l’exemple de R. Caton Woodville, qui était à la fois un peintre reconnu de batailles historiques (il avait fait une série avant la guerre sur les grandes batailles napoléoniennes) et depuis trente ans l’illustrateur le mieux connu de l’ Illustrated London News pour les scènes de guerre. Or, il fournit un dessin sur une double page de l’incident dans lequel le capitaine Nevill (mort le premier jour de la bataille) offre à ses soldats deux ballons de football et un prix pour le premier d’entre eux à marquer un but dans les tranchées allemandes (Ill. 4). Ceci montre (pour l’ Illustrated London News) « le lien entre l’esprit de nos jeux nationaux et celui qui inspire nos troupes dans le grand jeu de la guerre[ix]. » Un incident, mais qui résume le tout, et qui est censé réconcilier la bataille avec des idéaux préexistants (le stéréotype de l’Anglais sportif). De façon globale, ou bien la nature de la bataille échappe à l’ILN ou bien elle est connue mais indiquée par ce que l’on ne dit et ne montre pas. Petit à petit, la « grande offensive » disparaît de ses pages. Toutefois, des « brins de faits », selon Gibbs, et des images sélectives, maintiennent l’idée qu’un jour, on écrasera l’ennemi[x].

La vision de Verdun dans les pages de L’Illustration se montre assez différente. La couverture du numéro du 24 juin nous donne la clé (Ill. 5). Elle montre un poilu qui quitte sa mère en fin de permission (« Allons, maman, t’en fais pas ») et le dessin est en illustration des ‘notes d’un capitaine’ sur « le moral de nos soldats » reproduit à l’intérieur.  L’auteur admet que les offensives de 1915 ont transformé le combat :

On y alla sans peur et sans reproche. Et puis, sur d’ignobles fils de fer, devant des mitrailleuses intactes, sous des tirs de barrage, les meilleurs tombèrent. On recommença, avec rage, avec fureur : d’autres tombèrent. L’assaut se renouvela jusqu’à l’épuisement […] Quand des milliers et des milliers furent couchés par terre, on comprit que la matière était plus forte que la volonté […] Ce fut pour l’infanterie une grande, une cruelle déception, quelle accepta virilement. […] Elle tourna son regard vers l’artillerie et lui dit : « Viens à mon aide ! » [xi]

Voilà le désenchantement constaté … et dépassé. Aguerris, les soldats français sont passés à l’âge adulte de la guerre : « notre armée n’est pas une armée de grands enfants héroïques qui courent insouciants au danger. C’est une armée d’hommes qui font de sang froid leur devoir […] Les soldats de la nation, tombés ou vivants, sont unis par une fraternité profonde[xii]. » Cette vision n’est pas moins idéaliste que celle de Philip Gibbs de la Somme. Mais l’héroïsme qu’elle prône a évolué avec la transformation du combat. Elle résume le sens donné par L’Illustration, et la presse française en général, à Verdun comme bataille épique mais défensive, où chaque semaine où l’on y survit, chaque cratère ou chaque fort ruiné que l’on reprend, représente une sorte de victoire.

Ainsi, un quart des numéros de L’Illustration publiés durant la bataille (10 sur 40) la présente sur la couverture, sept pendant la phase offensive allemande (de février en juin), les trois derniers lors de la contre-offensive française. La moitié de ces couvertures montre le fort de Douaumont, pris tôt par les Allemands, contesté, et repris par les Français en novembre (Ill. 6). Elle symbolise la bataille (et la guerre) en microcosme – un duel pour posséder le sol de la patrie. En même temps, le Graal d’une offensive victorieuse est imaginé (les artistes à l’appui) sous forme d’un succès britannique sur la Somme ou italien sur l’Isonzo, tous deux en réalité des échecs (Ill. 7-8). Comme si elle voulait souligner le souci d’une reprise possible de la guerre offensive, L’Illustration publia (de façon inhabituelle) un manuel militaire écrit par un jeune officier qui essayait de résoudre le sens de « l’usure » en repensant l’assaut par l’infanterie dans son numéro du 8 juillet, à l’intersection même des batailles de Verdun et de la Somme.[xiii] Pas plus que les généraux, aucune des deux revues ne se trouve en mesure de résoudre l’énigme de la guerre de siège et d’intégrer l’image de la bataille dans un récit cohérent du conflit.

  1. Le « récit du soldat. »

J’en viens maintenant au « récit du soldat » – récit, rappelons-le, qui est public. Il a déjà sa part dans le « mythe de la guerre » construit par la presse. Mais il acquiert sa propre importance en raison du nombre de correspondances et de carnets publiés pendant le conflit, le plus souvent émanant d’officiers subalternes. Ces officiers, les cadres des armées, mènent « leurs hommes » de l’avant, avec des pertes élevées. Les volumes en question sont souvent publiés en hommage nécrologique, et le récit de la bataille qu’ils donnent est pris comme témoignage exemplaire de l’âme de la nation[xiv].

Bien sûr, de tels récits (qui étaient soumis à la censure) se référaient aux valeurs clés des « cultures de la guerre » – valeurs auxquelles l’officier subalterne de par son éducation et son statut social était particulièrement sensible. L’héroïsme des soldats, la culpabilité de l’ennemi pour le conflit (et donc pour ses horreurs), la résolution à continuer coûte que coûte, et la foi dans la victoire finale brillent à travers ces livres. Toutefois, on y perçoit bien d’autres choses encore. Car en plus de l’ennui et de la misère de la vie au front, ces témoignages abordent souvent les horreurs de la bataille. La simple terreur éprouvée par le combattant, accroupi dans son abri, lors d’un bombardement, l’assaut contre des mitrailleuses que l’on croyait neutralisées, enfin l’omniprésence de la mort – de l’odeur des cadavres pourris jusqu’à l’absurdité de sa propre fin en passant par le deuil des camarades perdus – tout cela était subversif par rapport aux idées reçues de la bataille et de la masculinité militaire, idées qui (non sans mal, nous l’avons vu) régnaient toujours dans les pages de Illustrated London News ou de L’Illustration.

 

Augustin Cochin était historien, Catholique et conservateur, et il meurt en juillet 1916 dans la Somme. En lisant ses lettres, publiées en 1917, le lecteur constate qu’il réagit en termes classiques à la mort de son frère en février 1915: « Jacques vient d’être tué glorieusement au combat, » écrit-il, « en chargeant à la tête de sa compagnie qui a ouvert l’assaut. » Mais en avril 1916, il décrit à sa mère sa propre expérience d’un bombardement allemand à Verdun pendant lequel « mon pauvre sous-lieutenant a tout à fait déménagé pendant une heure ou deux ; c’est tellement énervant d’être là, sans rien pouvoir faire, des dix, douze heures durant […] J’avoue qu’aujourd’hui vers les deux heures j’étais à bout […] et j’ai demandé [à Dieu] de ne pas mourir si bêtement, moi et mes pauvres biffins[xv]. » Quant à l’assaut, Cochin décrit pour sa mère l’offensive française sur la Somme : « après dix minutes de joie et d’émotion [et ayant pris des tranchées ennemies] arrivait sur nous le tir de barrage boche : massacre. » Le 5 juillet, à la veille de sa propre mort sous la mitrailleuse en menant (comme son frère) une charge, il écrit : « Chère maman […] Quelle odieuse guerre, des jours et des jours dans des trous »[xvi]. Pour Cochin, les Allemands restent l’ennemi et sa foi de Catholique n’est en rien entamée. Mais comme le remarque l’éditeur de ses lettres : « S’il a pu avoir quelques illusions sur la poésie de la guerre, il les a perdues en observant de près la sinistre réalité des champs de bataille »[xvii].

On pourrait multiplier de tels exemples. Paul Jones, étudiant (et sportif), éduqué dans un lycée anglais (public school) et assuré d’une place à Oxford, se porte volontaire pour le service logistique. Il cherche sans cesse à faire cadrer son expérience avec un sens plus large du conflit tel qu’il le comprend, c’est-à-dire comme une lutte pour la survie de la nation qui ne prendrait fin que quand la démocratie aurait aboli la guerre. Ayant réussi à se faire muter dans une unité combattante, il rencontre la bataille pour la première fois sur la Somme en 1916, ce qui lui fait écrire que « l’éclat de la guerre est décidemment terni. Si seulement nous étions en mesure de percer les lignes boches […] Actuellement, c’est une affaire sordide de boue, de trous d’obus, de cadavres, d’ordures »[xviii]. Jones ne s’en désespère pas. Il obtient d’être transféré dans le Corps des Chars d’Assaut (Tank Corps) et sera tué lors de la troisième bataille d’Ypres en juillet 1917. Mais ce qui frappe le plus dans le volume de ses lettres publiés de manière posthume en 1918, ce sont les témoignages de gens proches de lui, qui en disent long sur une sphère privée comme publique qui essayait de concilier la narration de la bataille avec le sens et la nécessité de la guerre. L’éditeur d’un grand journal londonien conclut « que c’est infiniment tragique d’entendre parler jour par jour de ce gaspillage de la vie de jeunes hommes brillants qui étaient l’espoir de l’avenir. Et pourtant, nous ne devrions pas parler de gaspillage. Le prix est affreux mais il faut croire que l’on est en train de le payer pour un trésor sans lequel le monde ne peut pas vivre[xix]. »

Cela dit tout. Le « récit du soldat » ne pouvait pas cacher à la fois les réalités de la guerre et le gouffre qui s’était ouvert entre espoir et réalisation, entre effort et résultat. Il faudrait souligner le point essentiel: ces textes, nombreux, sont publiés pendant la guerre et font partie de l’expérience de celle-ci. Ce qui les rend acceptables, ce n’est pas leur récit de la bataille mais leur mot-clé de « sacrifice ». C’est lui qui est censé combler le gouffre qui sépare le « mythe de la guerre » de l’horreur du combat. Mais la narration de la bataille s’en trouve transformée – tout comme le fait d’y avoir été « présent » et le sens de ce que c’était, la masculinité militaire[xx].

  1. Le récit du soldat commun.

Les lettres ou carnets publiés ne sont qu’une fraction infime de ceux qui ont été écrits. Hommes et femmes s’échangent du courrier sur une vaste échelle pendant le conflit – trois à quatre million d’envois postaux par jour pour ce qui est l’armée française. Il en résulte un « récit du combattant ordinaire, » récit non publié (et en ce sens non public) mais bien collectif, dont nous sommes toujours en train de découvrir les dimensions. Il n’est en rien surprenant que pendant une guerre de peuples, les autorités s’intéressent de près à ce que le peuple en pense – et écrit.  Le moral est reconnu comme vital pour l’effort de guerre, et les armées contrôlent les lettres des soldats par sondages, léguant à l’historien une source qui n’a survécu pleinement que dans le cas de la France[xxi].

Naturellement, il est difficile d’en tirer des généralisations, et ce d’autant plus qu’il nous manque des études comparées entre les différentes armées concernées. Mais on aurait tort à dessiner un contraste trop net entre le « récit du soldat » publié et celui, plus général mais privé, du « combattant commun » – que ce soit en termes de rang militaire et de classe sociale ou bien de l’expérience de la bataille et du sens donné à la guerre[xxii]. Dans les deux cas, les lettres (à la différence des carnets) risquent la censure, bien que dans la réalité il soit impossible d’en contrôler plus d’une fraction. Beaucoup des lettres privées montrent un mélange de patriotisme, d’héroïsme, et de révulsion contre la guerre similaire à celui révélé par les recueils de lettres publiées. En revanche, des sentiments de déprime, voire de dissidence, apparaissent dans les lettres privées, selon les lieux et les moments, ce qui est rarement le cas dans celles choisies pour la publication. Maintes lettres de soldats, comme l’observent les rapports des contrôleurs français, ne parlent pas de la guerre en tant que telle. Mais comme nous a montré Clémentine Vidal-Naquet, la banalité de la correspondance faisait justement partie de sa vocation, qui était de créer un abri du conflit où pouvait s’exprimer la  « normalité » de la vie et s’affirmer le lien du couple ou de la famille face aux dangers encourus et au risque de la mort[xxiii]. Un soldat à Verdun, écrivant à sa femme, l’exprime ainsi : « les privations matérielles, les risques, les dangers de toute nature sont peu de chose, mais ce qui est terrible, c‘est l’isolement dans lequel chacun vit, loin de l’attention des siens. » Le contrôleur (en l’occurrence l’historien Louis Madelin) ajoute qu’il s’agit d’un sentiment répandu[xxiv].

Toutefois, le besoin de dire la nature de la vie sur le front, d’évoquer la différence entre les routines de la guerre de siège et le drame de l’attaque, faisait que beaucoup de soldats narraient la bataille à un moment ou à un autre. Les armées comprenaient – à raison – que de tels récits contenaient des renseignements importants sur les capacités des soldats à faire face à la guerre industrielle. Les hommes racontaient les combats auxquels ils avaient pris part, parfois en faisant fièrement savoir à leurs familles qu’il s’agissait de la bataille dont on parlait dans les journaux, mais souvent (comme dans les recueils publiés) en évoquant les horreurs du combat et les pertes subies. Les rapports des contrôleurs postaux confirment que les soldats français à Verdun au début de mai 1916 (à un moment fort de la bataille) voyaient en celle-ci une lutte défensive épique que l’ennemi était en train de perdre. Mais ils remarquèrent aussi que les hommes caressaient toujours le rêve de l’offensive qui mettrait fin à la guerre.

Les hommes [montrent] une âpre résolution combative que n’entament ni la vue de nos pertes ni la vigueur des assauts. Les « rescapés » répètent « on les aura » et ils décrivent avec orgueil les hécatombes d’Allemands [Mais] l’offensive apparaît comme le vrai moyen d’en finir au plus tôt le cauchemard[xxv].

Si les espoirs soulevés par la bataille de la Somme compensaient la conviction croissante que Verdun était devenue une bataille « d’usure », l’enlisement de l’offensive alliée ne faisait qu’aggraver la colère des hommes par rapport à une narration véhiculée par les journaux (qu’ils lisaient) et qui insistait sur un soi-disant succès à l’égard d’une Allemagne affaiblie. Autrement dit, ils réagissaient contre le « mythe de la guerre. » « La correspondance de la Somme, » écrivirent les contrôleurs en août, « insiste sur l’accroissement de l’artillerie et la résistance de l’infanterie allemande[xxvi]. » Le récit du soldat ordinaire était plus noir que celui que fournissaient les lettres publiées et encore plus fortement soumis à une tension interne quant au rapport entre le combat et le résultat éventuel de la guerre. L’historien retrouve ici, côté français, les origines des mutineries de 1917, suite à l’échec de l’offensive renouvelée par le général Nivelle quand, pour bien de soldats, le récit et même le langage employés depuis trois ans pour saisir la nature de cette nouvelle guerre de siège, s’effondrèrent. La crise fut surtout cognitive[xxvii].

A cet égard, le contrôle postal nous offre un aperçu sur une fonction essentielle de la narration de bataille du soldat ordinaire. Je prends comme exemple le cas de la 71e Division d’infanterie française, qui quitte Verdun mi-juillet au bout de dix jours pendant lesquels elle avait subi de sévères bombardements (gaz asphyxiants compris) ainsi que des attaques par l’infanterie allemande. Un officier du contrôle postal (encore Madelin) nota un moral tellement bas de la part des hommes (nous dirions de nos jours sans doute un traumatisme) qu’ils pouvaient à peine écrire à leurs familles. « Je n’ai guère de force; s’il fallait partir [pour le front] maintenant, je ne pouvais pas, je tomberais en route […] Je pense que les gaz nous ont fait beaucoup. Cela nous brûle dans l’estomac, » écrit l’un d’eux. D’autres se plaignaient des effets du bombardement : « Il faudrait un cerveau de bronze pour ne pas devenir déséquilibré. » Madelin conclue que « Verdun est devenu littéralement un lieu d’horreur : il y a, à son endroit, une sorte de phobie […] ‘Enfer,’ ‘fournaise,’ ‘calvaire.’ On l’a surnommé Place de la mort »[xxviii].

L’ ossuaire de Douaumont à Verdun.

Ce cas préoccupe Madelin à tel point qu’il entreprend un deuxième contrôle une semaine plus tard. L’esprit reste bas. Mais les soldats avaient rétabli la correspondance avec leurs familles et voyaient « ces jours d’épreuve d’un œil moins tragique […] Un homme écrit […] : ‘Il est vrai que nous avons perdu du terrain et que nous l’avons repris : nous avions même perdu notre colonel qui était prisonnier et nous l’avons dégagé,’ [Un autre] expose assez bien son idée et probablement celle de beaucoup de ses camarades au sujet de la Bataille. ‘On ne peut pas dire que l’on soit content d’avoir vu Verdun, parce qu’en somme ça n’a rien d’agréable, cette fournaise, mais on en avait tant entendu parler qu’on a maintenant une certaine satisfaction mêlée à la veine d’en être sorti.’  Mais plus orgueilleusement, un autre dit : ‘Nous avons donc pris part à la célèbre bataille.’ [xxix] » Il s’agit ici du mécanisme organisateur du langage de la part d’hommes qui se sentaient autant victimes qu’agents de leur destin – bref, de la narration comme survie.

Le Mémorial de Thiepval sur la Somme.

La Grande Guerre, et le front de l’ouest en particulier, démentent les images avec lesquelles les Européens se sont embarqués dans le conflit. La guerre de siège continentale – insolite – conteste le « mythe de la guerre, » censé justifier la lutte et mener à la victoire. Elle perturbe le « récit du soldat » – ces notions établies quant à l’héroïsme, au courage et aux valeurs masculines, qui ne peuvent pas échapper aux tensions du « front » – tensions entre l’impératif de la victoire et la difficulté d’ y parvenir, entre l’image de la guerre de mouvement et les réalités de la guerre de siège. Le ‘sacrifice’ est le terme qui essaie de résoudre cette contradiction. Toutefois, à l’époque de l’alphabétisation généralisée, le soldat commun – everyman – fait sa propre narration de la guerre dans une correspondance qui devient un phénomène de masse. Ce récit déstabilise encore plus profondément la compréhension de la bataille.

La guerre – et les grandes batailles de 1916 – contestent ainsi leur propre narration. Mais par la même occasion, cette narration, comme pour tout épisode bouleversant, reste vitale. Car sans récit, pas d’expérience. Ainsi, la réponse narrative aux défis de la guerre joue un rôle crucial dans le vécu du conflit (y compris de ceux qu’un traumatisme empêche de décharger les émotions du combat par la voie narrative). La fin de la guerre venue, le temps de la narration change – du présent au passé. La paix donne-t-elle raison à l’effort déployé, ou le trahit-elle ? L’ennemi avait-il été l’ennemi ou la guerre elle-même ? Le « récit du soldat » (qui embrasse maintenant celui du combattant ordinaire) en devient un autre récit – littéralement une autre histoire.

John Horne est Professeur d’ Histoire moderne européenne au Trinity College de Dublin, membre de  la Royal Irish Academy, membre du conseil exécutif du Centre de Recherches de l’ Historial de la Grande Guerre (Péronne) du  Mémorial de Verdun et du Liberty Memorial National World War One Museum de Kansas City (USA).

NOTES

[i] Léon Tolstoy, War and Peace (1869; trad. par Rosemary Edmonds, Londres: Penguin, 1957, édition revue, 1982); Stephen Crane, The Red Badge of Courage (1895; reproduit dans The Red Badge of Courage and Other Stories [New York: Penguin, 2005], édité et introduit par Gary Scharnhorst).

[ii] Samuel Hynes, The Soldier’s Tale. Bearing Witness to Modern War (Londres: Pimlico, 1988), pp. 1-30.

[iii] Martin Lyons, The Writing Culture of Ordinary People in Europe, c.1860-1920 (Cambridge: Cambridge University Press, 2013).

[iv] John Horne, ‘Le front,’ dans Vu du front: Représenter la Grande Guerre (Paris: Somogy  Editions d’Art/ BDIC/ Musée de l’Armée, 2014), pp. 19-28.

[v] William J. Philpott, Attrition: Fighting the First World War (Londres: Little, Brown, 2014)

[vi] David Stevenson, With Our Backs to the Wall: Victory and Defeat in 1918 (Cambridge, MA: Belknap Press, 2011).

[vii] Sur Verdun, voir Paul Jankowski, Verdun: The Longest Battle of the Great War (Oxford: Oxford University Press, 2013) et Antoine Prost et Gerd Krumeich, Verdun 1916: une histoire franco-allemande de la bataille (Paris: Tallandier, 2015). Sur la bataille de la Somme, William Philpott, Bloody Victory: The Sacrifice on the Somme and the Making of the Twentieth Century (Londres: Little Brown, 2009).

[viii] Illustrated London News, 15 juillet 1916, et Philip Gibbs, The War Dispatches (Londres: Anthony Gibbs and Phillips, 1966), pp. 47-48 (2 juillet).

[ix] ‘The Surreys Play the Game!’ (« Les Surreys jouent le jeu ! »), Illustrated London News, 29 juillet 1916 (pp. 134-35). Il s’agit du, Régiment des East Surreys, qui conserve un des ballons dans son musée encore de nos jours.

[x] ‘Scraps’ (brins) est le terme employé par Gibbs: « Voici, donc, quelques brins de fait au sujet de la grande bataille encore en progrès et qui recouvre un terrain étendu »’ (War Dispatches, p. 51 (2 juillet).

[xi] ‘Notes d’un capitaine sur le moral de nos soldats,’ L’Illlustration, 24 juin 1916, p. 580, et le dessin par L. Sabatier.

[xii] Ibid., p. 581.

[xiii] André Laffargue, ‘Un Manuel du soldat: de la tranchée à l’assaut’, L’Illustration, 8 juillet 1916, pp. 24-27. Cet ouvrage était largement distribué dans l’armée et dans l’intérieur.

[xiv] L’Union des âmes: Correspondance militaire privée paraissant deux fois par mois (Brest: Cercle Militaire), 13 mars 1917, p. 1. Cette publication bi-mensuelle reproduisait des extraits de lettres privées de mars 1915 jusqu’en mars 1919. Voir également Maurice Barrès, Les Diverses famille spirituelles de la France (Paris: Emile-Paul Frères, 1917) et le pendant républicain du catholicisme nationaliste de Barrès, Victor Giraud, La Troisième France (Paris: Hachette, 1917), pp. 133-76 (‘La France jugée par elle-même. Les lettres du front.’)

[xv] Augustin Cochin, Le Capitaine Augustin Cochin. Quelques lettres de guerre (Paris: Bloud et Gay, 1917), pp. 45-46.

[xvi] Ibid, pp. 54, 56.

[xvii] Ibid., p. 5.

[xviii] Paul Jones, War Letters of a Public-Schoolboy (Londres: Cassell, 1918), p. 219.

[xix] Ibid., p. 271.

[xx] John Horne, ‘Soldiers, Civilians and the Warfare of Attrition: Representations of Combat in France, 1914-1918,’ dans Frans Coetzee et Marilyn Shevin-Coetzee (dir.), Authority, Identity and the Social History of the Great War (Providence, RI, & Oxford: Berghahn Books, 1995), pp. 223-49.

[xxi] Jean-Noël Jeanneney, Les Archives des commissions de contrôle postal aux armées (1916-1918)’, Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, janvier-mars 1968, pp. 209-33.

[xxii] Fabio Caffarena , Lettere dalla Grande Guerra. Scritture del quotidiano, monumenti della memoria, fonti per la storia. Il caso italiano (Milan: Edizioni Unicopli, 2005), pp. 97-100.

[xxiii] Clémentine Vidal-Naquet, Couples dans la Grande Guerre: le tragique et l’ordinaire du lien conjugal (Paris: Editions des Belles Lettres, 2014).

[xxiv] Service Historique de la Défense (SHD), 16N 1391, rapport de la Deuxième Armée (Verdun), 14 juillet 1916, p.2.

[xxv] SHD, 16N 1485, contrôle postal, rapports d’ensemble, 1 mai 1916, pp. 5-6.

[xxvi] SHD, 16N 1485, contrôle postal, rapports d’ensemble, 15 août 1916, p. 2. Pour la lecture de la presse, voir Benjamin Gilles, Lectures de poilus: Livres et journaux dans les tranchées 1914-1918 (Paris: Autrement, 2013).

[xxvii] Pour cette interprétation, voir John Horne, ‘Entre expérience et mémoire: les soldats  français de la Grande Guerre’, Annales. Histoire, Sciences Sociales, 60/5, septembre-octobre 2005, pp. 903-919.

[xxviii] SHD, 16N 1391, Deuxième Armée (Verdun), rapport de contrôle postal, 22 juillet 1916.

[xxix] SHD, 16 N 1391, ibid., rapport du 27 juillet 1916.